Article de l’interview vidéo au sujet du mémoire : Lin Fengmian et André Claudot
par Kang-Yao ZHOU
Le sujet se déploie autour de deux peintres du XXe siècle, André Claudot et Lin Fengmian. Claudot est un peintre dijonnais, ses dates sont 1892 et 1982, alors que Lin Fengmian, peintre chinois, il est né en 1900 et disparu en 1991. Ils se sont faits connaissance entre 1920 et 1925, l’époque où Lin Fengmian séjournait en France pour étudier la peinture, d’abord à l’École des Beaux-Arts de Dijon puis à l’École des beaux-arts de Paris. Après un an de retour en Chine, en 1926, Lin Fengmian est élu comme président de l’école des beaux-arts de Pékin. À ce titre, il a invité Claudot à venir en Chine assister dans l’enseignement artistique, alors en plein de réforme. Pour cette entreprise, Claudot enseigne la peinture dans les ateliers chinois d’abord à Pékin de 1926 à 1928 puis à Hangzhou de 1928 à 1930. Ce parcours donne lieu à quatre ans d‘échanges artistiques entre les deux peintres.
André Claudot, depuis sa prime jeunesse, mordu du dessin, rentre à l’École des Beaux-Arts de Dijon et poursuit ses études en peinture à l’École des Arts décoratifs. La formation académique est pour lui une déception. À Paris, il se laisse inspirer par les impressionnistes. Toutefois, pendant toute sa vie, il refuse d’être classé par les courants artistiques quels qu’ils soient. Claudot insiste sur l’idée que « la peinture, c’est un moyen d’expression[1] » ; il met en relief la qualité des coloris de la peinture. Il dit clairement qu’il apporte la théorie impressionniste issue de l’observation de Chevreul en Chine et qu’il reçoit la calligraphie et la peinture des lettrés chinois. Il serait intéressant de se demander dans quelle mesure l’art chinois complète son moyen d’expression. Inversement, si l’on rend compte de la monochromie de la peinture chinoise, il serait intéressant d’étudier comment Claudot transmet le savoir de la couleur à ses élèves chinois et d’observer comment ils le reçoivent. Il convient plus particulièrement de se demander si la théorie coloriste de Claudot inspire l’art de Lin Fengmian.
En outre, les sujets que les deux peintres choisissent à l’époque sont liés à la réalité sociale. Claudot privilège les ouvriers, les scènes rurales et paysagistes, les thèmes de la peinture réaliste. Il représente la misère de Pékin (famine, mendiants) et la vie quotidienne de Hangzhou (haleurs et marchands ambulants). On peut trouver la même prédilection pour les sujets du réalisme dans les œuvres de Lin Fengmian. Dans les années 1930, il crée Dans la rue de Pékin, L’Affliction et la souffrance de l’humanité. Cette dernière a de plus une dimension socio-politique, car elle remémore son ami communiste tué par le Parti nationaliste durant le retournement du 12 avril 1927. Il serait possible que leurs échanges exacerbent l’un l’autre le sentiment de la réalité sociale.
En effet, les échanges renvoient précisément à ceux qui se sont développés dans la réforme de l’enseignement artistique en Chine, notamment, à l’École des Beaux-Arts de Hangzhou. Car c’est là que Lin Fengmian, en tant que fondateur et directeur de l’École, pouvait librement mettre en pratique sa pensée artistique : l’ « accord sino-occidental », c’est-à-dire l’idée selon laquelle apprendre l’art occidental nourrit ce qui est l’essentiel dans l’art chinois afin de créer un nouvel art renouvelable et adaptable à l’époque. C’est à Hangzhou que Claudot, jouit du prestige chez ses élèves. Cette École a pour moi une signification particulière. J’ai été moi-même étudiant aux Beaux-Arts dans cet établissement. Au départ, la réforme de l’enseignement artistique dans laquelle s’engagent Lin Fengmian et André Claudot, a été le sujet initial de mon master. Je crois que la formation que j’avais reçue est arriérée, ce qui est paradoxalement opposé à l’idée de l’ « accord sino-occidental ». Je voulais donc profiter de cette étude afin de comprendre la généalogie de la formation artistique en Chine. Mais une bonne partie des recherches nécessaires en Chine ne peuvent être faites, à cause de la crise sanitaire. Malgré moi, j’abandonne le sujet pour étudier les échanges artistiques des deux artistes pendant la période chinoise d’André Claudot.
[1] Bernard Baissat, Claudot peintre, documentaire, production bonnes bobines, 2013, 59 heures 15 minutes.
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