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Du canular à l’oeuvre d’art : Studies in Perception #1

Dernière mise à jour : 5 juin 2019

Laura G.

Créée en 1966 par Ken Knowlton et Léon Harmon, Studies in Perception #1 devait être à l’origine un canular entre collègue. Elle serait aujourd’hui l’une des premières œuvres les plus connues de l’art numérique(1). Coup d’oeil sur cette œuvre au destin surprenant.

Fig. 1 Studies in Perception #1, Computer-produced mural, 1,5 x 3,7m.© Leon Harmon & Ken Knowlton, 1966.


Une photomosaïque « inconvenante » ?


Léon Harmon, chercheur en traitement mental et neuronal sur la vision, et, Ken Knowlton, pionnier dans la création d’images assistées par ordinateur, travaillaient pour l’entreprise de recherche et développement scientifique Bell Telephone Laboratories (Nokia Bell Labs depuis 2016) au New Jersey (Etats-Unis). Les technologies de télécommunications que possèdent ce laboratoire ont permis à ces deux collaborateurs d’expérimenter et de développer la photomosaïque qui met en relation la photographie, l’art numérique et les recherches sur la vision. En effet, ce processus a notamment été utilisé pour tenter d’établir la quantité minimale d’informations dont l’œil humain avait besoin pour résoudre une image.

Studies in Perception #1 est le scan d’une photographie de la chorégraphe Deborah Hay réalisé par le Max Mathews. Ce scan, représentant un nu allongé féminin sur un canapé, a été converti en symboles mathématiques et électroniques, imprimé en douze nuances de gris puis re-photographié et agrandi. Entre art, science et technologie, cette œuvre a été pensée au départ pour un canular et destinée à décorer le bureau de leur chef hiérarchique. Jugée inconvenante par ce dernier elle a été retirée, mais de petites versions imprimées ont continuées de circuler au sein des locaux puis à l’extérieur.

Fig. 2 : De gauche à droite : Ken Knowlton et Leon Harmon avec leur oeuvre Studie in Perception, 1967. © 2018 Artsy.



Reconnaissance médiatique et artistique


La grande version originale refera surface, un an après, lors de la conférence de presse réalisée dans le loft de Robert Rauschenberg dans le cadre de Experiments Art and Technology(2). Par la suite, Studies in Perception sera publié en haut de la première page de la deuxième section du New York Times le 11 octobre 1967. Elle devient ainsi le premier nu féminin imprimé dans le New York Times(3). À partir de cette publication Bell Telephone Laboratories, qui refusait au départ d’être associé à cette œuvre, autorisera d’y associer son nom. En 1968, ce canular initial rentre officiellement dans une institution culturelle lors de l’exposition The machine as seen at the end of the mechanical age au Museum of Modern Art de New York. Cette exposition lui donne un nouveau statut : celui d’œuvre d’art et, de plus, pionnière dans l’art numérique. Elle apparaîtra, par la suite, dans de nombreux ouvrages consacrés à cet art. Son processus créatif inspiré de la photomosaïque détruit le dispositif photographique censé donner une impression de présence objective et réaliste. Dans la continuité de l’histoire de l’art, le sujet iconographique du nu féminin semble rester un thème de prédilection dès le début de l’investigation du numérique dans l’art. Il semble aussi être, encore, plus favorable à une reconnaissance artistique médiatique et institutionnelle dans la seconde moitié du XXe siècle.

Léon Harmon et Ken Knowlton n’ont sûrement pas envisagés un tel succès en créant Studies in Perception au milieu des années 1960 ; un succès qui s’explique par leur volonté de créer avec de nouvelles techniques en liens avec les avancées scientifiques et technologiques. Ces avancées posaient à nouveau la question du statut de ces artistes pouvant dorénavant être aussi programmeurs informatique, informaticiens ou scientifiques. La technique utilisée par les deux collaborateurs déconstruit la figure du nu féminin allongé, chère à l’histoire de l’art, tout en la suggérant à l’œil humain. Il semble alors que cette suggestion ou le caractère scientifique et technique de l’œuvre légitime sa parution dans le New York Times. L’œuvre est aujourd’hui conservée à la Albright-Knox Gallery de Buffalo (Etats-Unis), une réédition de 1997 est quant à elle conservée au Victoria and Albert Museum de Londres (Royaume Uni).


Notes :


(1) Selon Bruce Wands, écrivain, musicien et curateur. Son ouvrage explore la relation entre l’art contemporain, les mathématiques et les nouvelles formes créatives contemporaine américaine, cf. WANDS Bruce, L’art à l’ère du numérique, traduit de l’anglais par Hélène Odou, Paris, Thames & Hudson Sarl, 2007. p.11.


(2) Organisme à but non lucratif et exonéré d'impôts, créé par les ingénieurs Billy Klüver et Fred Waldhaver et les artistes Robert Rauschenberg et Robert Whitman en 1967. Son objectif principal est de développer des collaborations entre artistes et ingénieurs.


(3) Selon Ken Knowlton : KNOWLTON Ken « Portrait of the artist a young scientist » dans YLEM Journal, Jan/Feb 2005 25 No. 2. [en ligne], [Consulté le 20.12.2018]. URL : http://www.kenknowlton.com/pages/04portrait.htm



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