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Le Baroque à Anvers: toujours présent !

Dernière mise à jour : 1 juil. 2019


Christian G.



Festival culturel de la ville d’Anvers (Belgique), 1er juin 2018-31 janvier 2019


À l’occasion du festival Antwerp Baroque 2018 : Rubens inspires de nombreux évènements sont répartis dans l’ensemble de la cité, développant un programme multi-facettes, où des choix audacieux confrontent l’ancien et le "nouveau Baroque". Le dialogue engagé entre les maîtres historiques et les maîtres contemporains mène-t-il à une synergie nouvelle ?

‘L’absence présence’ de Peter Paul Rubens.

On peut s’étonner que, malgré son titre, cette exposition ne soit pas une rétrospective de l’œuvre de Rubens mais se concentre essentiellement sur son environnement, avec pour résultat la création d’une ‘absence présence’. Car ce peintre est néanmoins partout dans le festival : nous retrouvons sa violence, son exubérance, ses émotions et son dynamisme, tant dans des œuvres du passé que dans des créations du présent.

L’exposition est partout !


Au MHKA (Museum van Hedendaagse Kunst Antwerpen, musée d’art contemporain d’Anvers) est installée Sanguine/ Bloedrood (Sanguine / Rouge sang) qui juxtapose des œuvres d’artistes classiques comme Francisco Zurbarán, Michelangelo da Caravaggio, Antoon Van Dyck, et des œuvres d’artistes contemporains comme On Kawara, Edward Kienholtz, Sigmar Polke. La confrontation fait naître une interaction entre toutes ces images de forte intensité. Un parallèle se crée entre la période du début du XVIIe s. marquée en Europe par de féroces Guerres de Religions, et notre monde actuel tout autant caractérisé par les divisions, la violence et le manque de compréhension. Remarquons l’œuvre de Carla Arocha et Stephen Schraenen, Circa Tabac, où les miroirs permettent à l’œuvre de refléter, de façon changeante une peinture de Zurbarán et des sculptures Joan Georg Pinsel, les intégrant ainsi dans la représentation. Poussant le raisonnement plus loin, on peut considérer que l’interpénétration de ces œuvres en crée une nouvelle (Fig.1).


Fig.1 Carla AROCHA et Stephen SCHRAENEN, Circa Tabac, miroirs, 2007, © auteur.

Une immense bulle devant les murs du MHKA, montre la réinstallation de Five Car Stud’, datant de 1972, des artistes américains Edward et Nancy Kienholz (Fig.2). Cette œuvre est redevenue on ne peut plus pertinente, dans sa dénonciation de la cruauté liée au racisme. La similarité avec les massacres perpétrés par les troupes catholiques envers la population protestante de la Flandre du XVIIe s. est évidente. La réinstallation, très fidèle à l’original, montre des personnages grandeur nature, dans une obscurité percée par les phares des cinq voitures. Les visiteurs, admis seulement par groupe de deux, sont totalement immergés dans une scène de lynchage et castration. L’effet produit est très violent, pouvant amener une réelle déstabilisation du spectateur-participateur, qui est de fait, partie intégrante de l’œuvre.


Fig. 2 Edouard et Nancy KIENHOLTZ, Five cars stud’, 1969-72, installation, Fondation Prada, Milan, © Delfino Sisto Legnani Studio.

Plusieurs grands murs de la cité, sont les supports de l’exposition Baroque Murals, d’Yvon Tordoir. Comment relie-t-il Baroque, street art et graffitis[1] ? Il explique : « J’ai souvent assisté mon père, l’artiste Narcisse Tordoir, et je l’ai aidé dans son travail ‘Fake Barok’[2]. Ceci m’a beaucoup appris sur le réalisme du Baroque, et comment ces peintres combinaient les couleurs ».



Le MAS.


La présentation au Museum Aan de Stroom (musée d’ethnographie-anthropologie et maritime d’Anvers) est dédiée à deux artistes Belges : Michaelina Wautier[3] et Anne-Mie van Kerchkoven[4] dont les situations sont mises en parallèle. Toutes deux ont dû se battre, la première pendant le XVIIe siècle et la seconde à notre époque, afin de faire reconnaître leur statut d’artiste femme.


Toujours dans ces mêmes murs, le long du walking boulevard, se succèdent trente photographies du jeune artiste anversois Athos Burez (né en 1987) issu du monde de la mode et photojournaliste. Il livre ici son interprétation personnelle des genres du Baroque (Fig.3). La série de photos et installations inclue des natures mortes, des portraits, des paysages et des vues d’intérieurs. L’influence de la peinture baroque est prégnante dans les sujets, les compositions et les costumes des acteurs représentant les personnages. Burez y mêle l’apport d’objets de notre quotidien, ainsi que la technique du collage contemporain.


Fig.3 Athos BUREZ, Baroque Burez, photographie, 2018 © auteur.

Encore plus d’innovations.

Experience trap est une sculpture semi-végétale exposée dans le square de Coninckplein par le collectif espagnol « Recetas Urbanas »[5]. Ce dernier rassemble artistes, architectes et activistes écologistes construisant pour les espaces publics. Cette sculpture est censée être directement inspirée des esquisses de Rubens prévues pour l’arc de triomphe de Ferdinand. Après recherches sur ce cas, le propos ne m’a pas semblé très pertinent[6].

Ces principaux évènements, non exhaustifs, sont ponctués par les concerts au programme du festival Game of Tones reliant la musique classique, et l’électro-musique. Une soirée Punkbaroque permettant même à des musiciens classiques et pop d’échanger leurs partitions[7].


Une confrontation réussie

Afin de contourner le lieu commun « le passé rencontre le présent » omniprésent dans le catalogue de l’exposition, réfléchissons néanmoins sur l’intérêt à juxtaposer, souvent audacieusement, des œuvres du XVIIe s. et des créations contemporaines de notre époque (Fig. 4 et 5). Leur dénominateur commun est un certain concept du drame, avec une exubérance des formes et des couleurs, de la séduction et de la passion, parfois du sang et de la violence. L’effet de synergie semble être bien obtenu, le renforcement de deux œuvres pouvant aller jusqu’à en créer une troisième. Parlons donc de réussite, pour cet original apport dans le domaine de la nouvelle muséographie.


Fig.4 Johan Georg PINSEL, L’Apôtre Saint-jean, bois polychrome, 200 cm., 1758, © auteur.

Fig.5 Lucio FONTANA, Concetto Spaziale Natura, résine, 220 cm., 1983, © auteur.

[1] Programme ‘Rubens inspires’, éd. Damme-Wellesplein, Anvers, 2018, p. 23.

[2] 1954, Malines. Disponible sur : https://www.fine-arts-museum.be/fr/expositions/narcisse-tordoir. Consulté le 22 janvier 2019.

[3] 1617, Mons, Bruxelles. Disponible sur : https://www.latribunedelart.com/michaelina-wautier. Consulté le 22 janvier 2019.

[5] Disponible sur : http://www.recetasurbanas.net/v3/index.php/fr/. Consulté le 22 janvier 2019.

[6] Série d’esquisses réalisée à Anvers, en1634, pour la venue du Cardinal Infant Ferdinand à Gand. Disponible sur : http://www.artliste.com/peter-paul-rubens/arc-triomphe-ferdinand. Consulté le 22 janvier 2019. [7] Disponible sur : www.destudio.be. Consulté le 22 janvier 2019.

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