top of page
Photo du rédacteurCONTACT BLOGM2HDA

Marking the Infinite, l’exposition événement en Amérique

Dernière mise à jour : 9 avr. 2019

CAMILLE B.

Neuf artistes femmes aborigènes d’Australie pour une nouvelle perception de l’altérité


Yukultji NAPANGATI, Ancestral Women at Yunala (Femmes ancestrales à Yunala), Peinture polymère synthétique sur toile, 153 x 122 cm., 2007, Collection de Debra et Dennis Scholl © Yukultji Napangati, autorisé par Aboriginal Artists Agency Ltd., courtesy Papunya Tula Artists. Photographie de Sid Hoeltzell.
Yukultji NAPANGATI, Ancestral Women at Yunala (Femmes ancestrales à Yunala), Peinture polymère synthétique sur toile, 153 x 122 cm., 2007, Collection de Debra et Dennis Scholl © Yukultji Napangati, autorisé par Aboriginal Artists Agency Ltd., courtesy Papunya Tula Artists. Photographie de Sid Hoeltzell.

Faisant écho à l’exposition No boundaries organisée par Henry Skeritt en 2015, et consacrée à neuf artistes aborigènes hommes, Marking the Infinite propose, pour la première fois en Amérique du Nord, une rétrospective des productions artistiques de neuf femmes aborigènes, toutes représentatives de la vitalité et de la richesse de l’art contemporain féminin d’Australie. Après avoir été accueillie dans les locaux du Newcomb Art Museum de la Nouvelle Orléans, du Nevada Museum of Art de Reno et de la Phillips Collection à Washington, l’exposition itinérante Marking the Infinite finit son tour du continent américain en s’installant au Musée d’anthropologie de Vancouver au Canada[1].


[1] L’exposition aura été au Newcomb Art Museum de la Nouvelle-Orléans du 20 août au 21 décembre 2016, puis au Patricia & Phillip Frost Art Museum de Miami du 28 janvier au 14 mai 2017, au Nevada Museum of Art de Reno du 17 février au 13 mai 2018 et à la Phillips Collection à Washington du 2 juin au 9 septembre 2018 avant de s’installer le 1er novembre au Museum of Anthropology de Vancouver. Elle y restera jusqu’au 31 mars 2019.



Réinventer les imaginaires et déconstruire les stéréotypes : un dialogue entre tradition et modernité

Les quelques soixante œuvres des neuf artistes à l’honneur - Nonggirrnga Marawili, Wintjiya Napaltjarri, Yukultji Napangati, Angelina Pwerle, Carlene West, Regina Pilawuk Wilson, Lena Yarinkura, Gulumbu Yunupingu et Nyapanyapa Yunupingu — originaires de diverses régions et cultures d’Australie, réinterprètent avec force et originalité les mythes ancestraux et la cosmogonie du Tjukurrpa[1]. Par leurs iconographies et esthétiques contemporaines, parfois très éloignées du pointillisme - souvent présenté comme technique par excellence du style aborigène - elles questionnent la validité des imaginaires et des stéréotypes occidentaux[2].


Regina PILAWUK WILSON, Syaw (Filet de pêche), Peinture polymère synthétique sur toile, 200 x 229.5 cm., 2014, Collection de Debra et Dennis Scholl © Regina Pilawuk Wilson, courtesy Durrmu Arts, Peppimenarti. Photographie de Sid Hoeltzell.

Ces œuvres se présentent comme les témoins d’un dialogue entre traditions, savoirs ancestraux et pratiques artistiques contemporaines. La diversité des médiums utilisés, allant des peintures sur écorces aux poteaux cérémoniaux, en passant par la vidéo et le tissage illustrent cette réappropriation au féminin du Temps du Rêve. Bien loin d’un art « primitif », leurs productions témoignent de nouvelles techniques de composition complexes et d’un renouvellement de la gamme chromatique qui soulignent leur originalité et légitiment plus que jamais leur appartenance au champ artistique.


[1] Terme en langue anangu pour désigner le Temps du Rêve. Dans la cosmogonie aborigène, le Temps du rêve explique l’origine du monde et la forme de la terre australienne. Des êtres métaphysiques, les ancêtres des hommes, agirent sur terre, créant ainsi les fleuves, les montages, les rochers… La forme et la signification de certains lieux du territoire australien sont donc liées au Temps du rêve, et possèdent une charge symbolique forte, voire un pouvoir. Pour plus d’informations, se référer à Cyril Havecker, Le temps du rêve : La mémoire du peuple aborigène australien, Monaco, éd. Du Rocher, 2003 ou Bruce Chatwin, Le chant des pistes, Paris, Le livre de poche, 1990.


[2] Comme le dit Carol E. Mayer, conservatrice et organisatrice de l’exposition au Musée d’anthropologie de Vancouver: « Bien que j’aie travaillé auparavant avec du matériel australien, j’avais comme présupposé que l’art contemporain australien consistait en des peintures sur écorce, avec beaucoup de points, et réalisées principalement par des hommes. Donc quand je suis entrée pour la première fois dans l’exposition, je me suis arrêtée net. Ce ne sont pas les couleurs auxquelles vous vous attendez, ce n’est pas l’ocre standard que l’on utilise dans l’art du Pacifique. Ces peintures parlent de traditions. La tradition est au centre de leur message. Mais la pratique est contempo-raine. » Cette traduction est personnelle, et retraduit le propos suivant: « Although I’ve worked with Australian material before, I had a preconception of contemporary Australian art being paintings on bark, lots of dots and being mainly by men. So when I walked into the exhibition for the first time I stopped in my tracks. It’s not the colours you would expect, it’s not the standard ochre that people use in Pacific art. (…) The paintings are about tradition. Their message is tradition. But the practice is contemporary. » Propos cités dans l’article de Petra Giffard,

« Marking the Infinite: contemporary aboriginal women artists from Australia », Art, Culture, Volume 19, N° 8, 2018. L’article est disponible en ligne à cette adresse: http://thelasource.com/en/2018/10/22/marking-the-infinite-contemporary-aboriginal-women-artists-from-australia/.




Wintjiya NAPALTJARRI, Women’s Ceremonies at Watanuma (Cérémonies de femmes à Watanuma), Peinture polymère synthétique sur toile, 150 x 182 cm., 2017, Collection de Debra et Dennis Scholl. © Wintjiya Napaltjarri, autorisé par Aboriginal Artists Agency Ltd., courtesy Papunya Tula Artists. Photographie de Sid Hoeltzell.

Lecture personnelle d’une terre : de l’intériorité à l’extériorité


Tout au long du parcours de l’exposition, les visiteurs peuvent ainsi percevoir et ressentir l’alchimie entre le territoire australien et le Temps du Rêve que retraduit chaque artiste à sa manière. Pourtant, malgré des sensibilités, des choix de couleurs et des techniques parfois très éloignées, le jeu entre microcosme et macrocosme, entre intérieur et extérieur et le travail autour de l’élémentarité semble lier entre elles ces neuf femmes. Que ce soit par la transcription picturale d’une fleur, d’un point d’eau ou de l’immensité du désert, toutes chantent[1] sur leurs toiles la relation profonde et charnelle qui les lie à l’Australie.


Mais au-delà de la représentation du territoire australien et de son histoire millénaire, ces œuvres donnent au public l’occasion d’interroger la validité de certains regards à l’heure de la mondialisation. L’exposition sert ainsi de pont entre deux cultures et deux espaces géographiques qui en viennent à se rencontrer par le prisme d’un art interrogeant les concepts de temps, d’espaces et d’échanges.


[1] Sur cette dimension musicale du territoire et de l’art australiens, se référer au livre de Bruce Chatwin, Le chant des pistes, Paris, Le livre de poche, 1990. Il y explique comment le continent australien est traversé par les circuits formés autrefois par les chants ancestraux. Grâce au walkabout, le rite de passage qui amène les aborigènes à parcourir le pays et retrouver les chants et chemins de leurs ancêtres, ils réactivent les récits mythiques du Tjukurrpa, font résonner la terre en les chantant, et, par ce biais, lui redonne vie : il y a donc une vraie performativité du chant aborigène qui se retrouve dans les peintures des artistes dédiées à ces récits du Temps du Rêve.



Angelina PWERLE, Bush Plum, 118 x 199 cm., 2010, Collection de Debra et Dennis Scholl © Angelina Pwerle, courtesy Niagara Galleries, Melbourne. Photographie de Sid Hoeltzell.

Émancipation d’un sexe et consécration internationale d’un art aborigène au féminin


Sans précédent en Amérique, Marking the Infinite, qui aura sillonné tout le continent américain, se veut le témoin de l’émergence de ces figures centrales que sont les femmes aborigènes sur le marché de l’art depuis les années 1980. Reléguées pendant des décennies à une pratique artisanale[1], elles trouvent enfin l’occasion d’affirmer leur légitimité en tant qu’artistes et de faire découvrir à un nouveau public leurs productions nées à l’autre bout du monde.


C’est donc avant tout un dialogue et une ouverture à l’autre que propose cette exposition outre-Atlantique qui déconstruit les préjugés, transforme les imaginaires et met en lumière la diversité d’un art aborigène féminin trop longtemps stigmatisé et oublié du vaste champ de l’histoire de l’art.


[1] Denis Scholl, collectionneur américain à qui appartient une partie des œuvres présentées dans l’exposition souligne ce changement de statut de la femme aborigène : « Les femmes sont désormais autorisées à peindre. Et parce que beaucoup d’entre elles ont commencé à peindre tard, elles ont été davantage exposées à une gamme plus large de cultures globales. Je vois un élan de liberté dans leur peinture et une volonté d’expérimenter. » Cette traduction est personnelle, et retraduit le propos suivant: « Women now are permitted to paint, which is a very significant cultural step. And because many of them began to paint later they were more exposed to a broader range of global cultures. », « I see a lot of freedom in their painting and a willingness to experiment. » Propos cités dans l’article de Emma-Kate Symons, « Australia’s indigenous women artists set to make a splash in major U.S exhibition », Women in the world, 25 septembre 2016. L’article est disponible en ligne à cette adresse :https://womenintheworld.com/2016/07/25/australias-indigenous-women-artists-set-to-make-a-splash-in-major-u-s-exhibition/ .




Tour de l’exposition Marking the Infinite:

  • Newcomb Art Museum, Tulane University, New Orleans, LA : du 20 août au 21 décembre 2016

  • Patricia & Phillip Frost Art Museum, Florida International University, Miami, FL: du 28 janvier au 14 mai 2017

  • Nevada Museum of Art, Reno, NV: du 17 février au 13 mai 2018

  • The Phillips Collection, Washington, DC: du 2 juin au 9 septembre 2018

  • Museum of Anthropology, University of British Columbia, Vancouver, BC, Canada: du 1er novembre 2019 au 31 mars 2019


Pour plus d’informations:


Tags :  art aborigène, Océanie, art féminin, peinture, indigène, Australie, Amérique, exposition, musée, femmes, Nonggirrnga Marawili, Wintjiya Napaltjarri, Yukultji Napangati, Angelina Pwerle, Carlene West, Regina Pilawuk Wilson, Lena Yarinkura, Gulumbu Yunupingu, and Nyapanyapa Yunupingu

17 vues0 commentaire

Comments


bottom of page