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pas de deux,UNE DANSE entre sculpture et architecture

Dernière mise à jour : 22 juin 2020


Illustration 1: Arlette et Marc Simon, Installation, galerie Talents, Paris, 2017

Géraldine Dabrigeon, directrice de l’église Saint-Pierre de Le Corbusier, à Firminy, propose à deux artistes céramistes, Arlette et Marc Simon, d’exposer leurs pièces dans cet édifice, entre le 17 avril et le 22 novembre 2020 (Au vu de la situation sanitaire actuelle, les dates de l'exposition sont reportées, néanmoins nous n'avons, pour l'instant, aucunes dates précisent).. L’exposition intitulée Pas de deux est un dialogue entre une architecture marquant le XXe siècle et les créations sculpturales d’Arlette et Marc Simon. C'est aussi le cheminement complice de deux artistes aux créations complémentaires, une danse sensible et délicate entre béton et argile.


PARCOURS DES ARTISTES

Dina Millard : Vous travaillez tous les deux dans des univers très différents sur le plan formel : Les sculptures dynamiques et élancées, d’Arlette sont réalisées par un assemblage de tubes de grès blanc. Alors que les créations de Marc figurent des créatures composites qui s’animent dans des blocs d’argiles volumineux et massifs. Pouvez-vous nous parlez de votre parcours avant d’arriver à ces créations ? Comment avez-vous commencé ?

Arlette Simon : Non nous n’avons pas fait d’école, en revanche nous avons suivi des stages chez une potière qui s’appelait Micheline Eschenbrenner. On a aussi suivi des cours à la faculté de lettre de Saint Étienne en histoire et histoire de l’art. Nous ne sommes pas allés aux Beaux-Arts, mais nous fréquentions des personnes qui suivaient des cours au Beaux-Arts de Saint Étienne.

Quelles expériences marquent un tournant dans votre création artistique ? Avez-vous travaillé différemment à la suite de certaines rencontres ?

Marc Simon : D’abord le périple que nous avons fait dans la France. Nous sommes allés voir les potiers et les céramistes les plus importants à nos yeux. Nous sommes allés à la rencontre de Norbert Pierlot, de Robert Deblander et de Anne Kjaersgaard, entres autres.

Arlette Simon : Moi, je dirais que le tournant est le voyage que nous avons fait au États-Unis : on est parti deux mois en Californie, puis au nouveau Mexique pour finir en Arizona, durant ce voyage nous avons rencontré beaucoup de céramistes. On a découvert une céramique qui était plus proche des arts plastiques, il y avait des liens avec la poésie ou la peinture. On ne connaissait pas cela en France. C’est une vision de la céramique qui nous a beaucoup plu et beaucoup touché. Ces rencontres nous ont fait travailler différemment à notre retour en France. Avant ce voyage nous étions davantage tournés vers le Japon et l’Asie, nous regardions une céramique plus traditionnelle.

Depuis combien de temps êtes-vous artistes ?

A. S : Nous avons ouvert notre premier atelier en 1975. Il était dans les Monts du Forez à Saint-Martin-la-Sauveté. Nous y sommes restés de 1975 à 1982, puis nous sommes venus habiter au Chambon-sur-Lignon où nous avons eu deux ateliers.

M. S : Le premier était dans une ancienne école, à cette époque la municipalité encourageait la reprise des écoles de hameaux désaffectés. La condition était d’habiter le lieu à l’année et d’exercer une activité professionnelle. Puis en 2000 nous nous sommes installés dans la maison des Roches où nous nous trouvons encore aujourd’hui. Nous avons un atelier, une pièce avec les fours, et un espace d’exposition. En 2002 nous avons ouvert l’espace d’art contemporain, ou chaque année des artistes viennent présenter leurs pièces. Nous avons aussi une salle de conférences qui accueille des événements culturels (cinémapéros, conférences, performances, concerts).

Pourquoi avez-vous choisi de vivre en milieu rural ?

A. S: Nous ne voulions pas nous installer en ville, nous aimions la campagne. Il y avait aussi les enjeux économiques : à la campagne nous pouvions vivre avec moins d’argent qu’en ville. Ça correspondait à notre mode de vie. Cela nous permettait de réfléchir, de faire vraiment ce dont nous avions envie, et de nous éloigner d’une production pour vendre.

M. S : Nous avions un mode de vie rustique, nous nous chauffions au bois et il n’y avait pas de salle de bain. Nous n’avions pas de grosse demande, c’était un inconvénient financier, mais cela nous a permis de ne pas succomber à la tentation de faire ce qui marchait sur le marché.

En vivant à la campagne comment faisiez-vous pour avoir une visibilité et un rayonnement dans les villes ?

A. S : Nous faisions beaucoup de salons à Paris, ce qui était intéressant puisque nous apportions notre production, et les personnes intéressées nous proposaient des expositions. Il y avait quand même une visibilité, nous rencontrions des professionnels avec lesquels nous avions envie d’échanger. Les salons représentaient l’opportunité de retrouver des gens qui avaient les mêmes préoccupations que nous.

M. S : Nous avons été remarqués rapidement dans notre travail, ce qui nous a encouragé à le développer. La presse, les galeries de céramique, les collectionneurs et les collègues venaient voir nos travaux. Il y a eu des échanges de pièces entre nous. Dans les Monts du Forez nous étions tout de même isolés et il était indispensable que nous retrouvions une vie sociale plus riche. Quand nous sommes venus habiter au Chambon-sur-Lignon notre premier atelier était à un carrefour, nous étions obligés de voir les gens ! Dans la création artistique le fait d’être ouvert aux autres génère une pratique elle aussi plus ouverte et plus créative. Le Chambon-sur-Lignon nous a offert tous les avantages culturels, mais en pleine nature.

Avez-vous eu une autre activité parallèlement à votre travail d’artistes ?

M. S : Quand nous étions encore étudiants nous étions animateurs dans des MJC, c’est enrichissant sur le plan humain puisque tu rencontres des personnes ayant une autre activité que la tienne. Nous pouvions partager un peu notre passion, mais je dis bien un peu ... Les élèves étaient là pour une activité, ils ne prenaient pas de risques, et ça devenait frustrant. Nous risquions de nous enfermer dans une routine pédagogique néfaste à une création. Ce qui est important par rapport à ces petits boulots c’est qu’il faut savoir les accepter mais aussi les quitter : ils prennent beaucoup de temps et d’énergie. Le dialogue avec les gens qui nous employaient était difficile, il fallait sans cesse se battre. Ils raisonnaient en termes de finances et de rentabilité.

A. S : Les gens ne sont là que pour deux heures, c’est difficile en deux heures de se mettre vraiment dans le bain. Après cette expérience on a préféré organiser des stages à la maison. Les stagiaires viennent durant cinq jours consécutifs. Ils sont plongés dans cet univers, cela doit être un moment à part pour eux. Ils lâchent le milieu familial et le milieu professionnel, ils peuvent vraiment se consacrer à la création, et nous les accompagnons durant ces cinq jours.

Vous vendez vos pièces sur votre lieu de création, mais vous avez aussi vendu des pièces de poteries avant de vous tourner uniquement dans la sculpture. Comment cette transition s’est-elle déroulée ? Votre public a-t-il changé ?

M. S : Là aussi il y a eu un tournant : quand nous faisions de la poterie, nous avions l’impression de bien vendre puisque c’était des petites pièces, pas trop chères, elles se vendaient plus facilement. Mais au fil du temps nous prenions de plus en plus une identité de plasticien. Les cours, ajoutés à la création de poterie utilitaire, et à la création des pièces d’exposition, il fallait faire un choix. Le travail avec les poteries brouillait les pistes sur ce que nous renvoyions.

A. S : À chaque fois ce sont des domaines et des univers différents, l’utilitaire n’est pas dans le même univers que la sculpture. Il faut toujours avoir un temps de réadaptation entre les différents travaux. Le temps était très morcelé, nous avons dû faire des choix. Nous avons choisi d’arrêter l’utilitaire pour privilégier les pièces de recherche et de sculpture. Nous avons perdu une clientèle alors que nous n’avions pas encore la clientèle pour les nouvelles pièces. Nous n’avons pas perdu totalement le public des pièces utilitaires, il continuait de venir, ceux qui achetaient des assiettes et des pichets achètent parfois des sculptures. Mais il y a eu un temps d’adaptation d’environ deux à trois ans. Mais c’est une démarche intéressante nous avons dû affirmé nos choix et notre position. Cela nous a permis d’avancer plus vite puisque tu te consacres uniquement à la création et à la recherche.

Illustration 2: Marc Simon, Ilas, 50 cm X 120 cm, EAC Les Roches, Chambon-sur-Lignon, 2016

Illustration 3 : Marc Simon, Tête blanche, 73cm X 124 cm, EAC Les Roches, Chambon-sur-Lignon, 2018



UNE DÉMARCHE ARTISTIQUE EN DUO

Vous travaillez dans le même atelier, vous partagez le même espace d’exposition et de vente, vous vivez ensemble le quotidien, et vous avez construit vos démarches artistiques parallèlement, pourtant vos pièces et vos univers respectifs sont très différents. Comment expliquez-vous cela ?

M. S : C’est une force, nous sommes occupés tous les deux par les mêmes préoccupations, nous pouvons en parler à table et le reste de la journée ! Le fait de travailler ensemble renforce les différences. Avoir des styles différents nous permet d’avoir chacun un regard sur le travail de l’autre. Nous sommes en connivence. Les différences sont tellement importantes que nous sommes forcément spectateur du travail de l’autre sans avoir l’impression qu’il empiète sur notre univers. Mais ça n’empêche pas qu’on puisse travailler ensemble pour certains projets.

A. S : Quand nous travaillons à deux nous passons du temps sur le projet, chacun va donner son avis et sa vision du projet. Et en discutant on arrive à s’arrêter sur une idée qui appartient plus à l’un mais qui est nourrie des apports de l’autre. Pour la réalisation nous travaillons ensemble puisque nous savons où nous voulons arriver.

Pourquoi avez-vous choisi la céramique comme médium ? Quelle est sa spécificité ?

A. S : C’était surtout moi au départ, ça m’attirait, pour faire des théières, des assiettes, ça me plaisait. Au départ c’était surtout un moyen de vivre à la campagne, le mode de vie passait en premier et la céramique allait bien avec ce mode de vie. Puis, petit à petit, la céramique à vraiment pris le pas. Quand nous avons démarré nous ne pensions pas que la céramique aurait une place aussi importante dans nos vies. C’était quelque chose que nous aimions faire, mais je ne me voyais pas habitée par la céramique. C’est en la pratiquant qu’il s’est passé quelque chose.

M. S : Il faut aussi replacer dans le contexte de l’époque : Nous faisions partie de ceux qui voulaient vivre à la campagne, changer le monde et avoir un mode de vie à notre idée. C’était beau comme période, il y avait des rêves auxquels nous croyions et que nous avons essayé de vivre. La céramique est devenue une passion, dans laquelle on a beaucoup investi et c’est devenu notre identité. Aujourd’hui, même en vieillissant nous ne voyons pas la possibilité de s’arrêter. Le verbe travailler prend une autre dimension pour nous, ce n’est pas un boulot c’est une vie.

Comment imaginez-vous la sculpture ? Passez-vous par le croquis, le dessin ou d’autres médiums en amont ?

A. S : Nous avons deux façons de faire différentes. Moi je ne suis pas très à l’aise avec le dessin, donc je fais des maquettes. Marc travail avec le dessin.

M. S : Avant de faire de la céramique j’ai beaucoup dessiné et beaucoup peint. Quand je peins c’est par plaisir, je ne suis pas dans la même démarche. Être à l’aise avec le dessin c’est pratique pour moi parce que je peux noter une idée sur un calepin ou un morceau de papier. En regardant le dessin je peux faire évoluer le projet. Mais il ne faut pas oublier qu’on travaille des volumes et le dessin, lui, est en deux dimensions, le problème est de trouver une dynamique et d’avoir quelque chose avec la matière céramique. Le dessin ne retranscrit pas ces choses-là. Dans l’imaginaire les dessins m’aident, mais il ne faut pas se laisser entraîner par le côté graphique du projet dessiné, sinon j’ai des difficultés à traduire le dessin en volume.

A. S : Moi qui regarde comment tu travailles, ta sculpture ne ressemble jamais à ce que tu as fait en dessin. Le dessin appelle à développer un imaginaire et après tu vas passer à une autre dimension dans la sculpture.

M. S : Le dessin me permet de me libérer de l’idée, je peux faire une sélection, et choisir ce que je veux pousser ou non. Le dessin n’a pas que la fonction de concrétiser la bonne idée, c’est parfois un moyen d’échapper à une mauvaise. Tu as des idées parasites, si tu les dessines c’est réglé. Le dessin est très vite fait et très parlant. Tu peux montrer à l’autre, et il peut donner un avis. On a deux façons d’aborder nos projets qui fonctionnent bien l’une et l’autre.

Comment travaillez-vous la couleur ? Imaginez-vous la pièce en couleur dès le départ ou c’est en fonction de la forme que vous obtenez, que vous colorez ensuite la pièce ?

A. S : Quand on pense une pièce c’est vrai qu’on la pense dans sa globalité, on imagine la texture et la couleur vient en même temps. Ce n’est pas précisément la couleur mais le type d’émail auquel on pense. L’émail qui permet la couleur est aussi une matière en elle-même. Lorsque nous imaginons la texture et le rendu de la pièce nous savons quel émail il faut employer, nous connaissons donc la couleur que nous souhaitons obtenir. Dans la céramique la couleur est aussi une question de matière.

M. S : Lorsque j’émaille les têtes, je trouve une couleur par rapport à leurs physionomies, par rapport à leurs expressions, et en fait, soit ça me permet d’accentuer ou d’atténuer, un trait, dans ces cas-là, j’utilise les couleurs primaires. Mais dans la couleur il peut aussi y avoir la possibilité de rendre déliquescent, ça c’est propre à la céramique. Il y a des émaux qui donnent une sensation de chose qui coule, qui est en train de disparaître ou au contraire qui est en train d’émerger. La couleur est au service de la matière. Elle est intimement liée à la matière, elle est indissociable.

La cuisson est une étape importante dans la création de vos sculptures, c’est aussi le moment où votre pièce travaille indépendamment de vous. Comment appréhendez-vous vos pièces lorsqu’elles sortent du four ?

A.S : Effectivement on ne maîtrise pas tout. Lorsque nous ouvrons le four, il faut parfois oublier la pièce que tu avais en tête parce qu’elle peut ne pas correspondre exactement à celle qui est devant toi. Parfois nous n’aimons pas la pièce qui sort du four, il faut apprendre à la regarder autrement et à la comprendre. Puis quand je regarde la pièce avec un nouveau regard, je suis surprise, et le jour où quelqu’un l’achète c’est difficile de m’en séparer.

M. S : L’étape de cuisson nous permet de savoir quelle est la distance entre notre travail et nous. Nous voulons qu’elle soit la plus courte possible car on tient à réaliser les projets tels qu’ils sont dans notre tête. Je crois que c’est semblable à la relation entre parents et enfants : pour que la pièce prenne vie elle doit prendre son autonomie et sa personnalité, et nous sommes là pour accompagner ce travail. Il y a des pièces que nous réalisons à un moment donné, nous comprenons qu’elles sont importantes, mais nous ne sommes pas dans la capacité immédiate de la comprendre. Nous sentons que quelque chose nous échappe, mais que c’est un travail important. Ce sont souvent ces pièces qui entraînent par la suite des nouveaux travaux et des nouvelles séries.

Pensez-vous que l’environnement dans lequel vous habitez influence votre création ?

A. S : Je pense que oui, jusqu’à présent je m’étais dit que notre production serait plus ou moins identique en fonction du lieu. Mais lorsque nous sommes partis au Japon nous avons travaillé différemment. Cela reste mes pièces, on les reconnaît mais cela prend un caractère différent. Le fait d’habiter ici sur un plateau avec de l’espace, de la neige, la présence de rochers je crois que ça compte beaucoup dans mon travail. Je serais dans une zone méditerranéenne, je pense que ma création aurait été un peu différente. Lorsque nous étions dans notre premier atelier, l’espace était plus petit, on créait beaucoup de petites pièces qui allaient bien dans l’exposition dans ce lieu. À notre arrivée dans ces locaux qui sont plus grands nous nous sommes mis à fabriquer des pièces beaucoup plus grandes. D’une certaine façon ces lieux-là ont eu une influence sur nos créations.



Illustration 3 : Arlette Simon, installation, dimensions variables, Chambon-sur-Lignon, 2017


Illustration 4 : Arlette Simon, sans titre, 38 cm X 52 cm, Chambon-sur-Lignon, 2016

L’EXPOSITION PAS DE DEUX DANS L’ÉGLISE SAINT-PIERRE

Comment le projet de l’exposition dans l’église Saint-Pierre de Le Corbusier est né ?

A. S : C’est la directrice, Géraldine Dabrigeon, qui nous en a fait la demande, nous l’avons rencontrée, et le projet s’est lancé de cette façon. Ce projet est une invitation à poser notre regard sur ce lieu. Il n’y a pas de thématiques particulières que nous développons, l’enjeu est de faire résonner notre travail dans ce lieu.

Avec qui avez-vous travaillé pour ce projet ?

M. S : Nous n’avons pas du tout rencontré le diacre ou le personnel religieux. Mais nous savons qu’il sera là lors du vernissage. Nous travaillons avec la directrice, et avec l’équipe qui va s’occuper de la médiation et de la sécurité. Nous savons aussi qu’il y aura le diacre lors du vernissage. Les personnes employées ont l’habitude du lieu, mais parfois cela est déstabilisant, elles ont des angoisses par rapport à la logistique et à la sécurité des œuvres. En tant qu’invité il est vrai que nous n’avons pas envie que quelqu’un marche sur nos œuvres, mais il faut prendre le risque que nos travaux soient exposés au sol sans socles, et sans mesures de sécurité supplémentaires. Si un accident arrive nous en assumons les conséquences. Sans prises de risques il ne peut y avoir une réflexion artistique.

Quelle relation entretenez-vous avec l’architecture de Le Corbusier ?

M. S : Nous l’avons rencontré dans notre jeunesse, les unités d’habitation à Firminy créées par Le Corbusier ont été notre premier lieu de vie. L’immeuble avait la réputation d’être un lieu difficile à vivre socialement parlant. Mais nous n’avons pas eu d’expériences négatives, bien au contraire. Il y avait beaucoup d’étudiants, d’enseignants, des personnes Maghrébines, et ce mélange social rendait l’immeuble très sympathique. Par rapport aux appartements dans lesquels j’avais vécu avec ma famille, cet appartement était d’un confort incroyable.

A. S : Nous habitions un duplex qui était très agréable, très lumineux et confortable avec une vue dégagée ce qui est rare en ville. Le loyer était modéré, ce qui était très bien pour des étudiants.

Comment faites-vous pour réaliser vos sculptures en fonction du lieu ? Utilisez-vous des photos, des dessins, ou simplement des souvenirs ?

A.S : Nous sommes allés sur place, nous avons pris des photos, les dimensions, et nous avons demandé à voir les plans. C’est un lieu qui est difficile à synthétiser puisqu’il y a plein de pièces, de dénivelés, et un système de gradins. On trouve de nombreux éléments architecturaux qui avancent, ou qui jouent avec la transparence, c’est un lieu très ouvert sur l’extérieur. À force d’observation nous commençons à bien connaître les lieux. Une fois le repérage fait nous travaillons les pièces à l’atelier.

Comment avez-vous travaillé et imaginé cette exposition ?

A. S : Au départ j’avais imaginé quelque chose qui irait contre la rigidité de cette architecture. Je me suis interrogée sur le fait d’apporter du mouvement avec mes pièces. Puis j’ai compris que je ne voulais pas travailler comme ça. J’ai alors imaginé des pièces qui vont correspondre à chaque partie de cette exposition, certaines vont arriver comme des ponctuations sur l’architecture. Nous avons de la chance puisque l’espace d’exposition se compose de plein de pièces différentes. Le spectateur peut déambuler dans l’espace scénographique. Marc va jouer là-dessus avec son installation Songlines qu’il avait déjà présentée.

Allez-vous relire certaines de vos pièces au regard de cette architecture ?

M. S : Effectivement nous allons réactualiser des pièces. C’est un lieu où nous allons vraiment pouvoir les montrer de manière forte. C’est bien de leur donner une nouvelle chance d’être vues. On a parfois ajouté des éléments, nous souhaitons faire avancer notre boulot en même temps que nous, il se modifie en fonction des différentes expériences. Songlines (voir illustration 7) est un travail que j’ai déjà présenté et que je reprends dans cette exposition. Ce boulot est un ensemble de pièces en céramique disposées au sol qui sont reliées entre elles par un fil rouge. Dans l’église de Le Corbusier, elle sera installée sur deux salles mitoyennes. J’utilise les trous de coffrage qui sont conservés, je vais m’en servir pour faire passer les cordes rouges de l’installation. Il peut y avoir une lecture multiple de mon travail. Nous avons un mur en béton : cela peut devenir une référence aux murs qui font office de frontières et qui sont de plus en plus érigés dans le monde. Pourtant de chaque côté, des communautés humaines partagent, et continuent d’entretenir des liens ténus. Le projet original est empreint des aspects de la cosmogonie aborigène : les aborigènes se déplacent dans un espace mental mais aussi dans un espace spirituel.



illustration 5 : Marc Simon, Songlines, dimensions variables, Sadamet, 2015


Allez-vous également présenter des œuvres inédites ?

A.S : Il y a, bien-sûr, les nouvelles pièces que vous pourrez découvrir. Nous essayons de terminer toutes nos pièces dans le temps qui nous est imparti. En plus des sculptures il y aura aussi le livre que nous avons fait avec Cheyne éditeur, que nous n’avons encore jamais montré.

Vous exposez dans une église, quelle place prend la spiritualité dans ce projet d’exposition ?

M.S : Nous n’exposons pas dans la partie consacrée, mais ça reste malgré tout un bâtiment religieux ce qui m’intéresse beaucoup. Je ne suis pas croyant, mais je respecte profondément les lieux de cultes. Je respecte les gens qui ont une foi sincère. Je n’ai pas les mêmes réponses que les leurs mais je suis toujours intrigué par les architectures des lieux de culte. Elles ne sont pas ordinaires, elles n’ont pas une fonction d’habitation et en même temps elles génèrent toujours un sentiment particulier. Ce sont des lieux qui invitent à la réflexion et au rêve, ils donnent le sentiment d’appréhender une dimension qui nous dépasse. Ces lieux de culte permettent également de se retrouver en dehors d’un quotidien professionnel ou familial, il me semble que c’est important que la société crée des lieux de recueillement. Je trouve ça beau que des gens, à travers des idées qui ne sont pas les miennes, créent des communautés et dépassent l’échelle de la famille. Ils se retrouvent ensemble autour d’événements marquant la vie comme les naissances, les mariages, la mort etc. Les communautés sont positives lorsqu’elles restent ouvertes et pas repliées sur elles-mêmes. Pour nous c’est avec plaisir que nous exposons dans cette église, c’est un honneur dans le sens où elle a participé au changement de l’architectura au vingtième siècle. Et puis, comme nous l’avons dit, le lieu permet d’amener un nouvel éclairage sur certaines installations.

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