Santa Fe, capitale de l’Etat du Nouveau-Mexique située au Sud-Ouest des États-unis : est une ville qui privilégie fortement la culture notamment Amérindienne. Celle-ci a toujours été au cœur de Santa Fe au point qu’elle fasse partie intégrante de son histoire mais également de son paysage urbain.
Fondée par les Espagnols en 1607, la ville aura pour premiers occupants les Amérindiens dits " Pueblos" par les Espagnols qui se réfèrent au mot « pueblo » signifiant village. Ce mot regroupe donc les Amérindiens vivants dans des maisons juxtaposées en pierre ou dits en adobe que l’on retrouvent encore aujourd’hui dans l’architecture de la ville.
Les Espagnols utilisent la main d'oeuvres Amérindiennes pour la construction de la ville et lui donneront le nom de Santa Fe du Nouveau-Mexique appartenant à la province de la Nouvelle-Espagne. La ville restera espagnole jusque dans les années 1810 malgré la révolte de la communauté Amérindienne. En 1848, l’Etat du Nouveau-Mexique revient au contrôle Américain et deviendra en 1912 le 47 ème Etat des États-unis tout en laissant le statut de capitale à la ville de Santa Fe.
Par son histoire, la ville de Santa Fé fait aujourd’hui le choix - qui sera décisif pour son développement - non pas de dissocier les deux communautés présentes sur le sol du Nouveau-Mexique dans un temps révolu, mais de les mettre toutes deux en avant par leur création artistique. Les traditions amérindiennes comprenant le tissage, la poterie, les danses et les bijoux font partie intégrante de la culture autochtone contemporaine de la ville. Il en est de même pour les formes d’art coloniales espagnoles qui continuent de prospérer au sein de celle-ci. On voit, d’après les recherches faites pas l’UNESCO, que la culture occupe une place plus qu’importante puisque « un emploi sur dix est lié aux arts et aux industries culturelles, abrite également plus de 250 galeries, une communauté dynamique des arts de scène et une gamme impressionnante de musées ». Ils disposent également de trois grands marchés d’art annuels : le Marché international de l’art folklorique de Santa Fe, le marché traditionnel colonial espagnol et le Marché indien. Il est également relevé par l’Unesco, que « Un pour cent des recettes des taxes de séjour à Santa Fe soutient les organismes artistique locaux, ce qui aide à maintenir un communauté artistique florissante, à employer des artistes et à attirer le tourisme »1.
La ville de Santa Fe voit également naître des artistes amérindiens de renommés grâce à son école appelée Santa Fe Indian School (SFIS) et à l’enseignement d’une Américaine du nom de Dorothy Dunn. A l’origine, l’école est créée en 1890 par le gouvernement fédéral dans un but bien défini : éduquer les enfants amérindiens provenant de groupes culturels situés dans le Sud-Ouest des États-unis. Il s’agissait d’enlever les enfants de leurs communautés, leurs interdire de pratiquer leurs langues et leurs croyances autochtones, méthode que l’on retrouve également du côté du Canada auprès des populations des autochtones dites Inuits, pour les inciter à mieux s’intégrer à la société américaine et s’américaniser.
Cependant, les années 1920 représentent un changement dans la politique fédérale indienne suite à la publication en 1928 du rapport Meriam qui documente les conditions des Indiens d’Amérique dans les réserves indiennes notamment la pauvreté, l’exclusion. Tout cela éveille l’intérêt du gouvernement qui veut appliquer et souhaite un « Indian New Deal » faisant référence au New Deal mis en place par le président Franklin Roosevelt. Le bureau des affaires indiennes est alors crée pour protéger ces populations amérindiennes.
The Studio School :
En 1932, un tournant majeur est amorcé pour ces jeunes amérindiens. Dorothy Dunn, célèbre éducatrice apprécie la richesse de l’art amérindien au Field Museum de Chicago en 1925, fonde Studio School de Santa Fe. Elle née le 2 décembre 1903 dans le Kansas et fait ses études à Chicago. Elle commence à enseigner pour la première fois dans l’Etat du Nouveau-Mexique dans la Santo Domingo Pueblo Day School située au Sud de Santa Fe. Elle retourne en 1931 à Chicago pour achever son diplôme à la School of the Art Institute of Chicago mais elle postule également au poste d’enseignante à la Santa Fe Indian School qui sera acceptée. Elle est chargée d’enseigner l’art aux classes de cinquième année au sein de cette école. « The Studio School » ouvre ses portes le 9 Septembre 1932 sous sa direction.
Durant ses précédents enseignements, elle apprend auprès des jeunes amérindiens Pueblos que certains sujets en rapport avec leurs cultures et leurs traditions sont sensibles.
Le « style studio », sous son impulsion, se caractérise par des compositions figuratives colorées et sans perspective représentant des scènes de la vie collective et cérémonielle 2. Elle quitte l’école en 1937 et sera remplacée par Geronima Cruz Montoya jusqu’à la fermeture définitive de « The Studio » en 1962.
Un certains nombres d’artistes amérindiens du XXe siècle du Nouveau-Mexique compte parmi les élèves ayant suivis la formation de Dorothy Dunn notamment Allan Houser, Oscar Howe, deux artistes célèbres du XXe aux États-Unis. Reconnus pour avoir su adapter leur formation et créer leur propre identité artistique tout en utilisant des éléments de leur communauté amérindienne. Certains d’entre eux seront également appelés à enseigner à la nouvelle génération autochtone.
Oscar Howe, Sacro Wi (Sun Dancer) 1967, Casein, collection permanente de la galerie Oscar Howe à l'université du Dakota du Sud.
Institue of American Indian Arts ( IAIA)
L’ouverture de l’Institue of American Indian Arts ( IAIA) en 1962 au sein de l’école de Santa Fe va permettre un renouveau et l’éclosion d’une modernité artistique. Elle sera fondée à la suite de conférences menées par la Fondation Rockfeller à l’université d’Arizona qui avait pour directives principales de favoriser une perspective moderniste et individualiste susceptible de stimuler l’expression de nouveaux talents et de donner un nouveau souffle aux modes d’expressions artistiques traditionnels. Tout cela devait être fait dans un total respect de l’héritage culturel et artistique de chaque communauté autochtone au sein de cette première école des beaux-arts destinée aux Amérindiens. L’enseignement qui est proposé aux étudiants est assez diverses et relativement moderne pour l’époque : peinture, sculpture, arts graphiques, tissages, céramique, travail des métaux, musique, théâtre et la danse. On compte parmi les enseignants Oscar Howe et Allan Houser, artistes cités plus haut. Les artistes au sein de cette école, sont appelés à puiser leurs sources d’inspiration dans leurs cultures traditionnelles. Leur affirmation culturel et identitaire feront de l’Institue of American Indian Art le premier établissement artistique national d’enseignement secondaire et supérieure posant les fondements d’une formation alternative, biculturelle et novatrice.
Cependant, le projet de l’IAIA ne sera pas soutenu par la totalité des personnes. Ceux-ci « dénoncent et ridiculisent l’ambition de former une élite de grands artistes, alors que le niveau d’éducation moyen des jeunes Amérindiens était encore très bas […] leur paraissait pas justifié de fonder une institué coûteux qui ne serait consacrée qu’à une minorité d’étudiants » 4. Malgré cela, l’IAIA persiste dans sa démarche avec conviction et aboutira à une première exposition en 1964 qui rencontrera un énorme succès. L’IAIA attirera une certaine attention de la part de Washington et la Maison Blanche et leur permettra d’exposer en 1965 dans la Galerie d’art du ministère de l’Intérieur. Sa notoriété ne cessera d’accroitre tout au long des années 60 accompagnées de nombreuses expositions qui certaines seront itinérantes destinées à voyager dans l’Europe, dans les Amériques, jusqu’au Brésil et au Mexique. Par la médiatisation des événements et l’absorption du budget les dirigeants ont mis en second plan la qualité de l’enseignement. De ce fait, la diminution des financements attribués à l’Institut ne se fit pas attendre et commença dès les débuts du mandat du président Nixon. Par la suite, les critères de sélection des étudiants s’affaiblirent et l’école connut des problèmes de manque de motivation, d’abandon, de drogue et de violence de la part de ses élèves. Elle se verra supprimer ses classes de secondaire et dès 1975 sera un collège délivrant un diplôme d’art en deux ans.
L’IAIA se voit déménager dans les années 80, dans les locaux du collège voisin ( College of Santa Fe) suite à un conflit. Celui-ci deviendra par la suite un établissement indépendant à but non lucratif ayant pour subvention le budget fédéral. Aujourd’hui, ce campus est un établissement d’enseignement supérieur qui délivre un Bachelor’s degree en quatre ans proposant des cours dits Native Studies comportant : écriture, peinture et sculpture, design, études muséales, communication visuelle. Il dispose également d’un musée, le Museum of Contemporary Native Arts situé au coeur historique de la ville. Ce lieu joue aujourd’hui un rôle majeur dans la vie culturelle et artistique de cet Etat.
Architecture en adobe, museum of contemporary native arts,
https://southwestcontemporary.com/iaia-museum-of-contemporary-native-arts/
2 Joëlle Rostkowski, La naissance des beaux-arts amérindiens aux États- Unis : Le cinquantenaire de l’Institute of American Indian Arts (IAIA) de Santa Fe (1962-2012), Autochtones et médias Volume 42, numéro 1, 2012, p86
3 Joëlle Rostkowski, La naissance des beaux-arts amérindiens aux États- Unis : Le cinquantenaire de l’Institute of American Indian Arts (IAIA) de Santa Fe (1962-2012), Autochtones et médias Volume 42, numéro 1, 2012, p.87
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