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Photo du rédacteurClara Langer

Ecrire sur les faussaires : le point de vue des journalistes


De nombreux journalistes, spécialistes ou non du monde de l’art, se sont confrontés à la question du faux, en diffusant les histoires des faussaires au grand public. Deux ouvrages par Harry Bellet et Vincent Noce sur ce thème ont récemment été publiés en France, et nous permettent de nous interroger sur la façon dont le propos de journalistes spécialisés sur les faussaires peut renouveler l’approche générale du monde de l’art face aux faux.



Les faussaires illustres et le plus grand mystère du monde de l’art.


En 2016, le journaliste du Monde Harry Bellet réalisa une série de six articles pour Le Monde, sous l’intitulé « Faux et faussaires », qu’il réunit en 2018 au sein d’un petit ouvrage concis : Faussaires illustres. En l’espace de onze chapitres, il définit la notion de faux, retrace l’histoire des contrefaçons, et analyse plus en détail le travail de huit faussaires et de leurs complices. Il passe ainsi en revue l’histoire de la tiare de Saïtapharnès, l’histoire des faux Vermeer peints par Han Van Meegeren (fig.1), les pérégrinations de Fernand Legros, ou encore la figure aujourd’hui très connue de Wolfgang Beltracchi. Dans les différents chapitres, l’auteur met un point d’honneur à souligner les erreurs des différents faussaires, et la façon dont ils furent démasqués.

Son livre s’inscrit dans la lignée d’approches muséologiques, et il cite notamment à plusieurs reprises le conservateur de musée américain Thomas Hoving, lui-même à l’origine d’un livre sur la question du faux (HOVING, 1996). Il réutilise par exemple les statistiques de celui-ci : Hoving avait ainsi estimé à 40% la part de faux (mauvaises attributions, restaurations abusives et contrefaçons confondues) présentes dans les collections du Met Museum de New York dont il fut le directeur pendant dix ans.

Fig. 1 Koos RAUKAMP, Han Van Meegeren dans son atelier, 1945, négatif sur verre, COPYRIGHT Nationaal Archief, CC0.

Faussaires illustres n’est pas une enquête, mais davantage une histoire du faux avec des focus sur des cas marquants et aujourd’hui confirmés comme étant des contrefaçons. Le dernier chapitre de l’ouvrage consiste en un “petit manuel du faussaire”, composé de 10 conseils, 10 choses auxquelles faire attention pour créer un faux… ou le débusquer. Au contraire, d’autres auteurs ont traité de la question du faux d’un point de vue plus journalistique, sous la forme d’enquêtes.

Pendant plus de cinq ans, l’auteur et anciennement journaliste chez Libération Vincent Noce (de son vrai nom Nicolas Baby) s’est penché sur une affaire qu’il décrit lui-même comme « le plus grand mystère du monde de l’art ». Cette enquête aboutit en 2019 à la parution du livre L’affaire Ruffini. Enquête sur le plus grand mystère du monde de l’art, chez Buchet-Chastel. Au centre de celui-ci se trouve le marchand d’art et collectionneur italien Giuliano Ruffini, mêlé a plusieurs affaires de fausse œuvres anciennes.

Dès 2015, l’auteur a été contacté par deux anciens collaborateurs de Ruffini, qui dénoncent tous les mauvais tours que le marchand d’art leur avait joué (JACQUET, 2021). Ce sont ces témoignages qui furent à l’origine de l’enquête de Noce. En parallèle, la justice se mit à surveiller Ruffini, réfugié en Italie probablement en raison du nombre d’ennemis que ses arnaques lui ont values. Et finalement, en 2016, alors que l’exposition dédiée à la collection des Princes du Liechtenstein battait son plein depuis déjà quatre mois au sein de l’hôtel de Caumont (Aix-en-Provence), des agents de l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) saisirent sous le nez des spectateurs l’une des œuvres présente dans la salle. En cause ? L’authenticité de celle-ci, pointée du doigt par une lettre anonyme reçue par la juge Aude Buresi, et accusant Guiliano Ruffini de falsification.

L’œuvre en question, une Vénus au voile attribuée à Lucas Cranach l’ancien (Fig. 2), constitue l’objet du premier chapitre du livre. Viennent ensuite des œuvres dites flamandes, prétendument de l’école de Pieter Brueghel, un Portrait de gentilhomme attribué à Frans Hals, un Saint Jérôme donné à Parmigianino, une plaque de lapis lazuli attribuée à Orazio Gentilleschi, et un Ecce Homo que Ruffini a voulu faire passer pour une œuvre d’Andrea Solario. Cette peinture a d’ailleurs la particularité d’être là seule pour laquelle le marchand s'est lui-même officiellement prononcé sur la paternité, rompant avec son habitude qui lui avait permis de se dédouaner dans d’autres affaires.

Les œuvres forment la trame de l’ouvrage, l’auteur montrant à chaque fois les différentes étapes ayant mené à la réfutation de l’attribution par des experts, alors que d’autres continuaient à croire dur comme fer à son authenticité, voire à se battre pour soutenir celle-ci.

Vincent Noce fait preuve d’une grande rigueur dans son enquête, citant chaque acteur du monde de l’art ayant contribué à l’histoire des œuvres. Ce qui ressort de son travail est l’importance de la vérification de la provenance des peintures, qui semble parfois avoir été peu interrogée par les potentiels acquéreurs. Il dénonce ainsi le manque de communication entre ces acteurs, qui aurait pu permettre aux œuvres de circuler moins loin, et à Ruffini d’être rattrapé plus vite.

Fig. 2 Lucas CRANACH l’Ancien (probablement faussement attribué à), Vénus au voile, date donnée de 1531, huile sur bois, 38,7 x 24,5 cm., collection des Princes du Liechtenstein, CC Galerie Colnaghi.

Si l’auteur ne dit jamais clairement qu’une œuvre est fausse tant que cela n’a pas été prouvé officiellement, ni que Ruffini est définitivement coupable, son avis ressort tout de même assez clairement dans ses propos et les qualificatifs qu’il utilise. Le marchand de l’art est présenté comme un personnage haut en couleur, digne d’un film, ayant des contacts presque mafieux.

Une autre valeur ajoutée de ce livre réside dans sa capacité à soulever des questions concernant le devenir des faux, leur place dans nos sociétés : il souligne leur valeur pédagogique, et plaide pour leur conservation bien documentée.


Le statut de journaliste des auteurs est marqué dans leur approche, ce que nous pouvons remarquer en comparant H. Belle et V. Noce à des historiens de l’art comme Federico Zeri. Si le propos des professionnels des musées semble reposer sur une même base, prônant le connoisseurship (ZERI, 2013/HOVING, 1996), les journalistes, moins sollicités au cours d’expertises, partagent un autre point de vue. Comment le propos de ces derniers dans leurs enquêtes sur le monde du faux peut-il renouveler l’approche général du monde de l’art face à ces questions ? Tout d’abord, par une perspective que nous pourrions qualifier de semi-externe : bien que spécialistes dans un domaine, Vincent Noce et Harry Bellet ne sont pas pour autant des experts, et ne prennent donc pas part aux processus d’acquisition, ce qui leur donne une certaine distance. Ils proposent ainsi un nouveau regard, soulignant au passage les enjeux pédagogiques des faux, mais sans pour autant délaisser leur style d’écriture journalistique.



Une perspective semi-externe.


Vincent Noce et Harry Bellet sont certes journalistes mais ont chacun une formation d’historien de l’art. Vincent Noce, est journaliste pour Libération depuis 1991, ainsi que pour la Gazette Drouot et Le journal des arts. Il est proche du marché de l’art, et en connaît bien les tours et détours, comme le prouve sa maîtrise du sujet dans L’affaire Ruffini. Il mène dans ce livre une véritable enquête pour donner au lecteur tous les éléments nécessaires à la compréhension du procès en cours contre Giuliano Ruffini et son faussaire Lino Frongia.

Harry Bellet a travaillé comme commissaire d’exposition à la Fondation Maeght (Saint-Paul-de-Vence) et au Centre Pompidou, avant de se consacrer au journalisme. Il écrit aujourd’hui pour Le Monde, dont il est responsable adjoint au service culturel. Il est ainsi proche du monde muséal, et son livre Faussaires illustres s’inscrit dans une dynamique scientifique, en étant soutenue par certains conservateurs importants.

Des journalistes d’autres disciplines, comme la criminologie, s’étaient déjà attelés à la tâche d’écrire un livre sur le faux. Ce fut le cas de Frank Arnau qui en 1960 publia L’art des faussaires et les faussaires de l’art.

Deux dynamiques interviennent ici : l’une est la retranscription historique de plusieurs affaires de faux indépendantes, et l’autre une enquête permettant à la fois la compréhension d’une affaire en cours et la découverte des arcanes du marché de l’art.

Le statut de journaliste des deux auteurs leur a permis d’avoir une certaine distance avec leur sujet, de prendre du recul, mais également de ne pas avoir de responsabilité directe dans les affaires. En effet, ils n’en sont pas des acteurs, ni experts, ni marchands, et les attributions, désattributions et estimations ne sont pas de leur fait, bien qu’ils avouent avoir déjà été trompés. Vincent Noce mène une enquête de terrain, se servant d’entretiens au sein du monde de l’art pour construire son propos. Le travail d’Harry Bellet se rapproche davantage de celui d’un historien de l’art : son livre repose sur les enquêtes menées avant lui par d’autres journalistes, au risque d’avoir une approche de vulgarisation plus que d’investigation. Pour l’affaire Beltracchi, par exemple, il s’appuie sur un livre co-écrit en 2012 par les deux journalistes allemands Stefan Koldehoff et Tobias Timm, L’affaire Beltracchi, enquête sur l’un des plus grands scandales de faux tableaux du siècle et sur ceux qui en ont profité (en version originale Falsche Bilder - echtes Geld : der Fälschungscoup des Jahrhunderts - und wer alles daran verdiente). Il s’appuie également sur l’article de Geraldine Norman qui publiait en 1978 dans The Times les résultats de son enquête sur Eric Hebborn, un faussaire britannique ayant dupé des experts en réalisant des dessins qu’il faisait passer pour des esquisses de maîtres de la Renaissance. C’est d’ailleurs probablement la couverture médiatique de celui-ci qui mena à sa perte : à la suite de nombreux interview et d’un documentaire sur sa vie dans lequel il critique ouvertement les vendeurs et conservateurs, il est assassiné dans les rues de Rome en janvier 1996.



La pédagogie du faux.


Le raisonnement et la méthode de Vincent Noce soulèvent des questions, implicites ou explicites, sur le traitement du faux. Très rapidement, l’auteur évoque l’importance de conserver les faux plutôt que de les détruire, afin de les conserver comme une leçon pour les experts et les musées. Par cet avis, il s’oppose à Marc Restellini, expert du peintre Amedeo Modigliani et directeur-fondateur de la Pinacothèque de Paris, qui se prononçait pour la destruction de tous les faux afin d’éviter leur propagation, déclarant que « C'est parce que j'ai toujours œuvré contre la production de faux que je réclame aujourd'hui leur destruction. » (GAUTHERET, 2017). Au contraire, Vincent Noce insiste tout au long de son enquête sur les leçons qui peuvent être tirées par tous les acteurs des affaires, et la conservation des faux comme témoins est l’un des moyens invoqués.

Le même avis est formulé par les experts interrogés par Martin Bailey pour son article publié en 2011 dans The Art Newspaper au sujet de faux de Shaun Greenhalgh. Bailey explique que l’œuvre en question, une fausse statue Égyptienne, fut gardée par la police dans un but pédagogique. Elle fut également réexposée, notamment au Victoria and Albert Museum et au musée de la ville de Bolton dans le Manchester, en Angleterre. La conseillère en charge du musée revient sur les raisons de la conservation du faux :


« Bolton councillor Elaine Sherrington admits that despite the great interest in the Greenhalgh case, “we do not wish to condone criminal activity, so it is important that the statue is displayed sensitively.” She added: “Rather than glamourising crime, it will hopefully show that even the most artful of forgers is eventually brought to justice.”. » (BAILEY, 2011)

(« La conseillère du Bolton, Elaine Sherrington, admet que malgré le grand intérêt pour le cas de Greenhalgh “le musée ne veux pas tolérer des activités criminelles, il est donc important que la statue soit exposée de manière sensible.”. Elle ajouta : “ Plutôt que de glamouriser le crime, nous espérons que cela montrera que même le plus astucieux des faussaires peut finalement être soumis à la justice.” », notre traduction)


Vincent Noce va également à contre-courant de certains historiens de l’art parmi lesquels l’expert italien Federico Zeri. Celui-ci, dans sa conférence “Qu’est-ce qu’un faux ?” prononcée au Collegio Nuovo de Pavie en 1992, prône le connoisseurship comme outil principal de la détection du faux, persuadé que le faussaire laissant toujours des traces de son époque, il sera ainsi forcément détecté pour des erreurs stylistiques ou iconographiques. Vincent Noce en revanche, tout comme Harry Bellet, pense que beaucoup de conservateurs commettent l’erreur arrogante d’accorder trop de confiance à leur œil pour détecter les contrefaçons. Il soutient que les analyses scientifiques, comme celles réalisées par le laboratoire Orion Analytical - fondé par Jamie Martin et acquis par Sotheby’s - dont il parle dans L’affaire Ruffini - sont primordiales pour l’authentification des œuvres.

D’autre part, on peut s’étonner de l’évocation de si nombreux noms par Vincent Noce. Peu d’entre eux sont censurés, affichant tous les experts, qu’ils aient œuvrés à identifier le faux, ou au contraire qu’ils aient soutenue sa véracité et son auctorialité. Il s’agit là d’une volonté politique de l’auteur. Dans l’entretien qu’il donna suite à la parution de son livre au magazine Numéro, l’auteur évoque un problème essentiel de communication entre les différents acteurs qu’il a pu côtoyer : « Le problème majeur qui se rencontre ici, ou dans d’autres affaires similaires, c'est la compartimentation du monde de l’art. Les marchands ne se parlent pas forcément entre eux. Les conservateurs n’aiment pas trop parler aux marchands. Les historiens de l’art ou les scientifiques n’échangent pas leurs informations, dans la mesure où elles sont dérangeantes et sensibles. C’est particulièrement le cas dès lors qu’il y a le risque de procédure judiciaire. Pour des raisons juridiques, mais aussi culturelles, l’information ne circule pas. Le faux prospère sur le silence. » (JACQUET, 2021).

Harry Bellet questionne pour sa part davantage la figure du faussaire lui-même que le devenir des créations. Se défendant de qualifier les faussaires de génie, l’auteur en dresse tout de même des portraits élogieux, voire admiratifs, et non moins sensationnels, mais soulignant clairement les erreurs qu’ils ont pu commettre. Pour lui, les faussaires restent avant tout des escrocs : « ils mentent tous », déclarait-il en 2018 au micro d’Olivia Gesbert (1.31 min.). « Je ne me suis intéressé qu’aux faussaires créatifs. Je ne crois pas au mot génial en matière de faussaire. Le seul faussaire génial c’est celui qui ne s’est pas fait arrêter, et pour l’instant on les attrape tous ou presque. » (GESBERT, 2018, 9.51 min.). Notons ici l’assurance de Bellet face aux capacités du monde de l’art à attraper des faussaires, et sa conviction que tous se font attraper. Il réfute en tout cas la notion de génie de la part des faussaires, et lors de leurs portraits, montre que leur volonté de créer des faux découle bien souvent d’un rejet de leurs propres œuvres par les institutions. C’est par exemple dans le cas de Han Van Meegeren, qui, vexé de son absence de succès personnel, a choisi de créer de faux Johannes Vermeer et Pieter de Hooch afin de tromper les musées néerlandais.



Une écriture journalistique.


Bellet, Noce, mais également Koldehoff et Timm donnent une dimension sensationnaliste à leur livre par le titre. Bellet et les journalistes allemands parlent chacun de « plus grand… » : « plus grand mystère de monde de l’art » (NOCE, 2021), et « l’un des plus grands scandales de tableaux » (KOLDEHOFF/TIMM, 2013). La couverture de L’affaire Ruffini ne va pas sans rappeler certaines éditions du roman à suspens Da Vinci Code de Dan Brown, avec ce qui semble une page arrachée au-dessus d’un tableau : les yeux de la Joconde de Léonard de Vinci pour Dan Brown (fig. 3), et la (fausse ?) Vénus au voile de Cranach pour le livre de V. Noce, rendant visible la notion de mystère sur laquelle s’appuie l’ouvrage.

Figure 3 BROWN, Dan, The Da Vinci Code, 2003, New-York, Anchor Books/Random House, CC Dan Brown.

La première approche est donc déjà accrocheuse, et les titres tout comme le vocabulaire utilisé à l’intérieur des livres le sont tout autant. On ne peut que souligner la créativité d’Harry Bellet dans ses titres de chapitres : « La tiare infernale de Saïtapharnès » pourrait être le titre du prochain Indiana Jones ; « Le vieil homme et Vermeer » fait référence au roman de 1952 d’Ernest Hemingway Le vieil homme et la mer ; et « Beltracchi, résumé des épisodes précédents » donne l’impression d’être en plein cœur d’une série Netflix. Sous ces titres aux accents humoristiques, Bellet décrit la vie des faussaires, de la naissance de leur intérêt à leur découverte par les autorités, sans oublier d’ajouter ses impressions personnelles, ses propres découvertes ou justement ses erreurs, lorsqu’il avoue dans le chapitre sur Shaun Greenhalgh avoir lui aussi été trompé par son Faune imitant Gauguin. Il revient sur cette anecdote sur France culture, au cours de l’émission La grande table des idées du 31 décembre 2018, en commençant par dire « C’est là que c’est amusant. Enfin il y a une partie pas amusante, c’est que je l’ai vu [le faune de Greenhalgh imitant Gauguin] et que je l’ai trouvé très bon, comme les cinq cent mille autres personnes qui l’ont vu au musée Van Gogh. Donc on se fait avoir aussi. » (GESBERT, 2018, 12.16 min.).

Soulignons ici que les deux journalistes accordent une attention méticuleuse à la précision de leurs sources. Si l’on peut questionner le fait que Vincent Noce donne absolument tous les noms des personnes impliquées dans les transactions de Giuliano Ruffini, il n’en reste pas moins que celles-ci mettent en avant la fiabilité et la rigueur de son travail, l’inscrivant dans une dynamique de journalisme d’investigation au cœur du marché de l’art pour en dénoncer les dysfonctionnements. Au cours d’un entretien avec le magazine Numéro, l’auteur insiste sur le fait que « le premier travail d’un journaliste est d’éliminer les fausses informations et de se garder des préjugés. » (JACQUET, 2021). Il insiste également sur son processus de travail, qui lui a demandé de la patience afin d’obtenir la confiance de ses interlocuteurs.



Les publications en revue : un autre format d’enquête.


Nous avons ici parlé en priorité des livres traitant la question du faux, mais de nombreux journaux ont également publié des articles ou des dossiers à ce sujet : il en va ainsi des premiers jets d’Harry Bellet pour Faussaires illustres, ou de l’article de Geraldine Norman sur Eric Hebborn. En 2016, la revue Dossier de l’art publia un numéro dédié entièrement à la question du faux, écrit majoritairement par des historiens de l’art issus d’institutions comme les universités ou encore les musées français et le C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France), mais contenant aussi deux articles de la journaliste Sabrina Silamo qui a entre autres travaillé pour Le quotidien de l’art, Arts Magazine, Télérama, ou La revue de la céramique et du verre. Elle écrit ceux-ci pour la section « Le faux, un marché florissant », en se concentrant sur l’art moderne et contemporain (p. 64-66) et sur des portraits de faussaires (p. 68-71) anticipant ainsi le travail que réalisera deux ans plus tard Harry Bellet. Elle évoque quatre faussaires dont les travaux portèrent majoritairement sur des artistes du XXe siècle : Fernand Legros, David Stein, Guy Ribes, et le fameux Wolfgang Beltracchi.


Les journalistes apportent de nouvelles méthodes et une rigueur importante sur le traitement des faux. Leur point de vue, même lorsqu’ils sont spécialistes d’histoire de l’art, peut aborder des aspects plus larges, plus sociaux ou intrinsèquement liés au marché de l’art et à ses arcanes. Leur approche de la responsabilité est également différente, et cela se voit non seulement dans leurs prises de position et leurs aveux d’avoir été eux-mêmes trompés par les faux, mais également dans leur perception du traitement du faux, comme nous avons pu le voir dans l’opposition entre Vincent Noce et Marc Restellini. Si les journalistes ne peuvent pas révolutionner la perception du faux, leur implication permet toutefois de mettre en lumière certains aspects du marché de l’art et des collections muséales passés sous silence par les autorités compétentes.



Bibliographie


- BAILEY, Martin, « Bolton’s fake Egyptian princess returns to the duped museum », The Art Newspaper, 1er mars 2011, en ligne : https://www.theartnewspaper.com/2011/03/01/boltons-fake-egyptian-princess-returns-to-the-duped-museum

(dernière consultation le 14.01.2021).

- BELLET, Harry, Faussaires illustres, Paris, Actes Sud, 2018.

- GAUTHERET, Jérôme, « Marc Restellini : “Est-ce le rôle des musées français de légitimer de faux Modigliani ?” », Le Monde, 23 décembre 2017, p.14.

- HOVING, Thomas, False impressions. The Hunt for Big-Time Art Fakes, Londres, Andre Deutsch, 1996.

- JACQUET, Matthieu, « Rencontre avec Vincent Noce, l'homme qui a débusqué l’un des plus gros scandales de l’histoire de l’art », sur Numéro, 12 février 2021, en ligne : https://www.numero.com/fr/art/vincent-noce-affaire-giuliano-ruffini-buchet-chastel-cranach-brueghel-frans-hals

(dernière consultation le 14.01.2022).

- KOLDEHOFF, Stefan, TIMM, Tobias, L’affaire Beltracchi, enquête sur l’un des plus grands scandales de faux tableaux du siècle et sur ceux qui en ont profité, (1e éd. all. 2012) trad. Stéphanie Lux, Paris, Jacqueline Chambon, 2013.

- NOCE, Vincent, L’affaire Ruffini. Enquête sur le plus grand mystère du monde de l’art, Paris, Buchet-Chastel, 2021.

- SILAMO, Sabrina, « Portraits de faussaires », Dossier de l’art, n°245, 2016, pp. 68-71.

- ZERI, Federico, Qu’est-ce qu’un faux ?, (1e éd. it. 2011), trad. Maël Renouard, Paris, Payot et Rivages, 2013.


Filmographie

- LEONARD, Paula, Eric Hebborn: Portrait of a Master Forger, BBC, Omnibus, 1991, 46 minutes.


Émission de radio

- GESBERT, Olivia, « L’art du faux avec Harry Bellet », La Grande table idées, sur France Culture, diffusion le 31 décembre 2018.

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