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Les cannes-fusils et sarbacanes à système Dumonthier : Les vies multiples d’un brevet.

Joseph-Célestin Dumonthier inventa et déposa en 1871 un brevet qui révolutionna les cannes-fusils à l’époque. La durée de vie d’un brevet était alors de 20 ans. Ce brevet fut largement copié par la suite, et marqua le début d’une ère nouvelle pour les cannes à mécanisme automatique. Dès 1891, les copies et les systèmes semblables se multiplièrent. Ainsi, l’entreprise stéphanoise d’armes Verney-Carron fabriqua des cannes-fusils inspirées de celles de Dumonthier.

Figure 1: Marquage du fabriquant, canne-fusil 12mm signée Dumonthier datant de 1896. (http://www.littlegun.info/arme%20francaise/artisans%20c%20d/a%20dumonthier%20fr.htm)

Une brève histoire de la canne-fusil en France dans les années 1850 et de monsieur Dumonthier.

Joseph-Célestin Dumonthier (1821-1881) était un armurier reconnu qui s’installa en 1844 à Paris où il connut le succès grâce à ses armes combinées telles que les dagues-pistolets et les sabres-pistolets. Dés les années 1840, il commença la dépose de brevets, mais il fût particulièrement productif dans les années 1860-1870 pour déposer celui qui protègera sa fameuse canne-fusil avec un système de culasse dit quart-de-tour. Il déposa aussi un peu plus tard un brevet du même type pour une canne-sarbacane en 1874. Cette canne balançait des billes de plomb dont la propulsion se faisait avec de l’air comprimé. Il y avait une pompe qui servait à pomper de l’air afin de remplir un petit réservoir dans la canne.

Figure 2: Photo d’une canne-sarbacane dans son coffret d’origine datant des années 1880 . On y remarque la canne, qui était démontable en deux parties, la pompe à air, la férule, une sorte de crochet servant à armer le mécanique de détente. (https://www.naturabuy.fr/RARE-COFFRET-CANNE-DUMONTHIER-AIR-COMPRIME-FR-XIXe-Collection-France-Tres-bon-XIX-eme-Civil-Curiosites-item-4391711.html )

Dans les années 1850, la France connaît un engouement pour le port de la canne en tant qu’accessoire de mode. Cette mode se diffuse dans toutes les couches de la société en raison des progrès techniques qui permettent une plus grande productivité et une miniaturisation de certains éléments. En outre, à l’époque, les rues étaient peu sûres ce qui explique le succès des cannes contenant des armes. Depuis la fin du Moyen-Age existaient les bâton-épées mais avec le développement de l’arme à feu, cette dernière fut également intégrée dans une canne. Avec l’apparition de la mise à feu par mèche, puis par silex, puis par capsule, les systèmes de mise à feu évoluèrent. Mais les années 1840, avec l’apparition de la cartouche, tout d’abord en carton, puis en métal, permettent à la canne-fusil de connaître son heure de gloire. La cartouche combine l’amorce, la poudre, la bourre et les plombs ou la balle. Casimir Lefaucheux créa la cartouche dite à broche vers 1828, dont il en déposa le brevet mais elle n’entra vraiment en production que dans les années 1832-35. La percussion se faisait par le haut. Vers 1845, Louis-Nicolas Flobert (un armurier parisien) créa une cartouche avec une percussion sur le côté. Ces deux innovations permettent ainsi aux cannes-fusil de connaître des évolutions au niveau du système de percussion. Dès les années 1850-60, il y eut différentes évolutions qui permettront la création de la cartouche moderne, la cartouche à percussion centrale.

Figure 3: Canne-fusil des années 1850 avec un système pour une cartouche à broche, le chien permettant la percussion est visible. (http://www.cannes-de-collection.fr/fr/toutes-les-cannes/104-canne-fusil.html)

Dans l’imaginaire populaire la canne-fusil demeurait associée au braconnage. Mais il faut savoir que jusqu’en 1975, aucun permis de chasse n’était obligatoire. La canne-fusil était une arme cachée qui pouvait servir pour commettre des méfaits tels que détrousser les braves gens. Mais elle pouvait aussi avoir mauvaise réputation puisqu’elle était souvent dégainée par les joueurs voulant récupérer leurs gains après de trop grosses pertes. Certaines cannes-fusils pouvaient recevoir l’ajout d’une crosse, ce qui devait permettre d’avoir plus de précision avec un recul plus maîtrisable. Généralement ces cannes avaient des calibres allant du 22 long rifle (5.56mm) jusqu’au calibre 12. Mais les calibres les plus utilisés étaient les 12 et 14 millimètres surtout pour chasser devant soi le petit gibier (du merle au lapin).

Ce que l’invention de Dumonthier apporta au monde de la canne-fusil.

La canne se compose de trois éléments, le pommeau, le fût et la férule. Il existait des cannes-fusil dites simple. Elle possédait un système dit classique, c’est-à-dire un pas de vis qui permettait le verrouillage de la canne. La férule, qui contenait un extracteur avec une ou deux branches, servait à armer le pommeau. A l’origine, existait un système de chien, puis il y eut un système de percussion plus classique avec un percuteur dit rebondissant, c’est-à-dire revenant en position de repos une fois la percussion faite. Le système le plus simple pour une canne-fusil à percussion centrale consiste en un système de pas de vis permettant de relier le pommeau et le fût. Si ce système s’avère fiable, il demeure cependant long à mettre en œuvre si la canne n’est pas préalablement chargée avec une cartouche. Il s’agissait donc d’une arme de défense mais avec une courte portée et une puissance d’arrêt faible.

Figure 4: Photo d’une canne-fusil sans doute de calibre 12mm et datant des environs de 1900 avec une crosse et la férule servant d’extracteur et d’armeur. (http://www.thierrydemaigret.com/html/fiche.jsp?id=5814897&np=&lng=fr&npp=10000&ordre=&aff=&r=)

Le système de monsieur Dumonthier permit de palier certains inconvénients de la canne-fusil dite simple, notamment grâce au système dit quart-de-tour, qui permet une mise en œuvre simple et sécurisante de cette canne. La culasse s’articule dans le prolongement du canon et le quart de tour permet de verrouiller le bloc culasse-canon, permettant ainsi le tir en toute sécurité. L’extraction de la cartouche ou de la douille se fait par la culasse, par un petit ressort. Lorsque le verrouillage se produit, l’extracteur vient pincer un des bords de la cartouche. Une fois la culasse ouverte, la cartouche est éjectée au sol. Ainsi la férule ne sert plus d’extracteur mais juste de bouchon pour le canon. Il s’agit de faire en sorte que la canne-fusil puisse servir de canne normale utilisable pour la marche. La férule perd sa fonction d’armeur et d’extracteur. La férule demeure cependant toujours faite en cuivre, car il s’agit d’un un métal doux, qui ne marquera pas le revêtement du canon.

Le revêtement extérieur des cannes Dumonthier se composait d’une poignée en corne ou en bois, avec parfois une détente escamotable cachée derrière une bague en métal (généralement en cuivre ou en laiton). Le fût était souvent recouvert de bois comme le jonc, le bambou, ou d’une garniture de cuir. Mais à partir des années 1891 des copies ont été créées par de nombreux établissements tels que Verney-Carron ou la manufacture d’armes et de cycles de Saint-Etienne se diffusèrent. Une canne ayant le même système est présentée dans les catalogues de 1896 et 1904.

Figure 5: Cannes-fusils ayant le système Dumonthier avec une crosse détachable, catalogue Manufrance de 1904, p. 96 . (http://s144812367.onlinehome.fr/canne-fusil-14-mm)

Ces cannes avec le système Dumonthier ont été fabriquées jusque dans les années 1940, demeurant les plus renommées pour les collectionneurs encore aujourd’hui. Les armes de ce fabricant étaient de très bonne facture. Il faut savoir qu’une canne à système reste tout d’abord une canne pour marcher. Par chance il n’existe pas de contrefaçon de ce type de cannes car leur reproduction couterait aussi cher que la fabrication d’une canne-fusil classique.

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