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Documenta, une manifestation culturelle comme les autres ?


DOCUMENTA(13) Frideriacianum © paralelotrac



Le 17 septembre 2017 marquait la fin de la quatorzième édition de la Documenta 14 "Learning from Athens" qui a eu pour commissaire d’exposition général Adam Szymczyk. La Documenta 14 s’est divisée entre Athènes du 8 avril au 16 juillet 2017 et Kassel du 10 juin au 17 septembre 2017. Manifestation culturelle périodique dédiée à l’art contemporain, la Documenta se déploie dans un paysage événementiel dense. Quelles stratégies permettent à la Documenta de se différencier, par exemple, de la Biennale de Gwanzu (voir dans ce blog l’article consacré à cette manifestation), les Manifesta, la Triennale d’Aichi, la Biennale de Johannesburg, Monumenta ou encore la Biennale de la Havane ? Leur multiplication, ajoutée à leur périodisation, créent un effet de concurrence surfant sur le tourisme culturel. La Documenta, organisée tous les cinq ans, sort du lot par les questions spécifiques posées à la création contemporaine, et ce depuis son origine.



Réintroduction pour une reconstruction


La première édition de la Documenta est organisée à Kassel, en 1955, dans un entre-deux historique ; l’Allemagne, en pleine reconstruction suite à la seconde guerre mondiale, se trouve alors au coeur de la guerre froide. L’instabilité politique n’empêche pourtant pas cet élan de renouveau, moteur pour la fondation de la Documenta. La « dénazification » des arts constitue le principal objectif de la première édition. Pour réussir, le fondateur Arnold Bode, enseignant et artiste, choisit la forme d’une rétrospective de l’art contemporain de 1905 à 1945. L’enjeu était double : donner une visibilité à la création contemporaine internationale en Allemagne et au public allemand, et dans un temps second, réintroduire l’art germanique sur la scène artistique internationale. Les politiques nazies misent en place à partir de 1933 ont déchiré l’Allemagne. Particulièrement subies dans les champs de la culture, ces politiques nationalistes ont écarté, par principe de discrimination négative, une partie de la production contemporaine ciblée sous l’étiquette d’ « art dégénéré » si bien que le public germanique au cours des années de conflit n’a pu avoir accès qu’à un certain type de production artistique. En 1937, une exposition a réuni toutes ses œuvres « interdites » pour les faire connaître au public renforçant cette démarche d’expulsion. Historiquement, cette première Documenta correspond à la première exposition après celle de 1937. Elle a regroupé des artistes occidentaux dans le musée Fridericianum, institution emblématique construite en 1779 qui a fait partie des premiers musées publics européens. L’évènement a connu un énorme succès, avec 130 000 visiteurs, si bien que ce concept de Documenta a été reproduit trois années de suite avec l’intégration de productions artistiques de plus en plus actuelles.

fig. 1: Documenta 1 de 1955, Fille devant un miroir Pablo Picasso 1933 MoMA © Christiane Zschetzschingck


Documenta 4 : Un commissaire pour un regard sur la création actuelle


La Documenta 4 en 1968 marque un tournant dans l’organisation de cette manifestation. Le comité à la tête de l’institution qu’est devenue la Documenta décide d’élire un commissaire d’exposition, différent du fondateur Arnold Bode qui a assuré l’organisation des trois premières éditions. Cette modification de commissariat permet de rompre avec la récurrence du format rétrospectif présent dans la D2 et D3, grâce au commissaire suisse Harald Szeeman. De ce fait, chaque année sera marquée par une nouvelle personnalité, en charge de l’intégralité de l’événement bénéficiant d’une grande liberté pour la conception de la manifestation. Ce tournant a permis la production d’expositions aux enjeux divers mais qui s’unissent sous un même nom.


Documenta X ,1997 et Documenta 11, 2002 : ouverture vers la scène mondiale

La dixième édition de la Documenta en 1997 ainsi que la onzième en 2002 correspondent à des moments-clefs pour la scène artistique mondiale. La Documenta X conçue par Catherine David, accompagnée de Jean-Michel Chevrier a, dans un premier temps, mis en place un programme de conférences sur 100 jours : 100 intervenants, apportant une réflexion théorique, complétant l’exposition, sur les problématiques actuelles rencontrées dans le milieu de l’art. La Documenta de Catherine David a également introduit la question de la mondialisation dans le champ de la création par une exposition s’ouvrant au-delà de la création allemande. La présence de l’artiste Hélio Oiticica, mais également de l’intellectuel Edward Saïd, en sont les marqueurs forts. La Documenta 11 élaborée par le commissaire nigérian Okwui Enwezor s’inscrit dans cette continuité. Cette édition dénonce l’omniprésence d’une création occidentale dans les expositions « internationales ». L’art contemporain africain est ainsi mis en avant, tout comme des artistes contemporains chinois et japonais. Ces deux documentas sont donc symboliques : d’abord par le choix des commissaires, une femme et un intellectuel africain, mais également par l’utilisation de la Documenta comme espace d’exposition pour la scène artistique mondiale.

Fig. 2: Affiche de la Documenta X 1997 © ladomir

La Documenta a lieu dans la ville de Kassel mais résonne bien au-delà. Comme le montrent les trois exemples rapidement illustrés dans cet article, la Documenta se réinvente à chaque nouvelle édition. Le commissaire est libre de concevoir une exposition qui intègre ses orientations de recherches sur l’art permettant ainsi de faire de cette exposition sa propre documenta. Cette réussite est due à ces cinq années de préparation entre chaque édition. La quinquennalité est sa singularité, offrant un temps suffisamment long pour élaborer un projet unique. Les Documenta X et 11 illustrent un autre axe défendu par la Documenta : celui d’inscrire cette exposition, d’une centaine de jours, dans les problématiques actuelles dans le champ de la création artistique, à savoir en ce début de XXIe siècle et la question de la scène artistique mondialisée. La Documenta se détache de ce paysage surchargé d’événements culturels consacrés à l’art contemporain par son ouverture dès la fin du XXe siècle à la création mondiale et par une période de conception longue permettant d’obtenir une exposition originale et pertinente.


Documenta 6, Haus Rucker, Landschaft im Dia, 1997, Copyright

fig.3: Documenta 6, Haus Rucker, Landschaft im Dia, 1997 © aermanv travel

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