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Une restauration capitale au musée des Beaux-Arts de Lyon

Figure 1 : Antonio Rossellino (d’après), bas-relief polychrome en stuc, deuxième moitié du XVe siècle, Florence, Musée des Beaux-arts de Lyon, cliché de l’auteur.



Peut-être n’avez-vous jamais remarqué cette œuvre exposée au premier étage du Musée des Beaux-Arts de Lyon, mais sûrement ne l’avez-vous jamais vu dans son état post-restauration. En effet, lors de mon stage, en mai 2017 au Musée, j’ai eu la chance d’assister à la restauration de cette Vierge à l’Enfant exécutée d’après Antonio Rossellino.


Une œuvre importante


Antonio Rossellino (1427-1479) est le frère cadet de l’artiste Bernardo chez lequel il fait son apprentissage en compagnie de Desiderio da Settignano, à Florence. Les deux frères et Desiderio font partie de la nouvelle génération de sculpteurs en activité après le départ de Donatello pour Padoue en 1443. Dans le bas-relief conservé au Musée des Beaux-arts de Lyon, la Vierge tient son fils face aux spectateurs, pourtant le Christ ne nous regarde pas mais semble chercher le regard de sa mère, l’étroite relation entre la Mère et le Fils est ainsi mise en valeur, dans une iconographie de Vierge de tendresse. Il existe quelques œuvres similaires, en stuc ou en terre cuite, classées en trois groupes différents. Le premier est identifiable grâce à un fond de nuages et des putti dans les angles, le deuxième grâce à son fond représentant un buisson de roses (comme au Musée Jacquemart-André), et le troisième, dans lequel on classe l’exemplaire de Lyon, est reconnaissable grâce à fond décoré d'une guirlande sculptée.


… qui perd de sa beauté au fil du temps


Toute la délicatesse de la composition est devenue, avec le temps, beaucoup plus difficile à apprécier. La sculpture, longtemps conservée au Louvre, a été recouverte d'un vernis. Ce vernis, devenu marron, n’est pas enlevé lors de la restauration que le Louvre entreprend dans les années 1930. L’œuvre est alors mise en dépôt au Musée des Beaux-arts de Lyon. Avant restauration les couleurs étaient peu visibles et une fissure défigurait l’œuvre.


Une nouvelle restauration


En mai 2017, Ludmila Virassamynaiken, conservatrice des peintures et des sculptures anciennes au Musée des Beaux-Arts de Lyon, engage une nouvelle restauration de la sculpture. La restauration n’est qu’une étape finale d’un processus plus long. Mme Virassamynaiken, lors d’un entretien, m’explique qu’elle a choisi de restaurer cette œuvre suite à une étude qu’elle a commandée. En effet, l’étude par des restauratrices est une étape primordiale pour déterminer si les résultats de la restauration ont des chances d’être probants. Dans le cas de notre bas-relief polychrome en stuc, l’étude a permis de montrer que la polychromie originelle du XVe siècle était encore bien présente sous la couche de vernis et de repeints qui ont été appliqués lors des siècles précédents.

Les restauratrices ont procédé en plusieurs étapes. La première étape consiste à nettoyer l’œuvre en enlevant le vernis oxydé, grâce à des produits chimiques et au scalpel. Ensuite, les restauratrices font un travail de repeint, une étape délicate et importante car elle dépend de la politique de restauration conduite par le/la conservateur-rice. Dans notre cas, Madame Virassamynaiken a voulu que le passage du temps soit encore visible car la marque des siècles fait partie intégrante de l’œuvre. Ce parti pris est d’autant plus important que l’état originel est rarement parfaitement connu, et donc, ne peut pas être restitué.


Des résultats exceptionnels


La restauration a réservé de belles surprises car la polychromie originelle s’est révélée encore très présente et très délicate. L’œuvre a été exécutée avec beaucoup de soin, le vêtement en brocart que porte la Vierge est d’une grande richesse et chaque décor est réhaussé de poinçons¹ permettant de rajouter du relief. L'œuvre s'avère plus complexe qu’elle ne le semblait. L’encadrement révèle une grande richesse : la Vierge et son Fils sont entourés d’un décor de sphinges surmontées d’une coquille au centre, et des pilastres sculptés ornés de chapiteaux composites achèvent ce décor somptueux. Les figures sont traitées avec une grande finesse. La carnation des joues est encore très vive, les bijoux que portent l’Enfant, traités avec une grande délicatesse, contribuent encore à la beauté de l’œuvre. La restauration a aussi permis de mettre à jour un jeu de couleur dans l’arrière-plan où apparaît un ciel parsemé de très fines étoiles dorées. La fissure comblée, l’œuvre retrouve son unité et vous ne pourrez plus la manquer quand vous vous rendrez au Musée.


Figure 2 : Antonio Rossellino (d’après), bas-relief polychrome en stuc, deuxième moitié du XVe siècle, Florence, Musée des Beaux-arts de Lyon, cliché de l’auteur



Notes:


[1]Ce procédé est réalisé par l’artiste à l’aide d’une tige de métal pointu, le léger relief ainsi créé ajoute de la finesse au décor. Pour remarquer ce détail, il vous faudra observer attentivement et de près l’œuvre.

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